Alsacien

Alsacien
Elsässisch
Pays France
Région Alsace
Nombre de locuteurs Env. 800 000 Transmission inter-générationnelle très minoritaire depuis les années 1980[1].
Nom des locuteurs Alsacophones/dialectophone
Typologie SVO + V2
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Statut de langue régionale de France[2]
Codes de langue
IETF gsw-FR
ISO 639-3 gsw [3]
Glottolog swis1247
Carte
Image illustrative de l’article Alsacien
Cartographie linguistique de l'Alsace en 1910.

L'alsacien (Elsässisch, Elsåssisch ou encore Elsässer Dytsch en alsacien – code de langue gsw) désigne l'ensemble des langues germaniques vernaculaires traditionnellement parlées en Alsace[4],[5]. Il ne s'agit pas d'une langue unique, mais d'un continuum linguistique dominé par les dialectes alémaniques, essentiellement le bas alémanique, eux-mêmes étroitement apparentés au suisse allemand, particulièrement la variété bâloise. En 2012, 43 % de la population alsacienne se déclarait dialectophone[6].

Outre l'alémanique, qui est pratiqué dans la majorité de la région, l'alsacien englobe également le francique méridional de l'Outre-Forêt, le francique rhénan de l'Alsace bossue ainsi que le dialecte de Strasbourg qui a la particularité d'être un syncrétisme linguistique entre l'alémanique et le francique rhénan [7],[8].

Le yiddish alsacien et le yéniche – en tant que sociolectes respectifs des Juifs ashkénazes d'Alsace et des Yéniches – n'entrent en général pas dans le terme « alsacien » bien qu'il existe une perméabilité entre ces trois entités. En sont également exclus les parlers romans des vallées vosgiennes du val d'Argent, de la vallée de la Bruche et de la haute-vallée de la Weiss qui constituent le pays welche, ainsi que le franc-comtois parlé jadis dans quelques communes de l'extrême sud de l'Alsace.

L'origine de la langue alsacienne remonte au milieu du IVe siècle de notre ère lorsque les peuples germaniques commencent à envahir l'Alsace et y établissent successivement un royaume alaman puis franc. Leurs langues – l'alémanique et le francique – vont alors peu à peu s'imposer. C'est d'abord le francique, notamment méridional, en tant que langue des élites après le massacre de Cannstatt, qui va connaitre un développement littéraire important. Dans un premier temps à travers les œuvres monastiques du haut Moyen Âge comme le Liber evangeliorumle Livres des Évangiles – du moine Otfried de l'abbaye de Wissembourg mais également dans des documents impériaux de premier plan comme les Serments de Strasbourg ou le traité de Verdun. Dans un second temps se développe aux XIIe et XIIIe siècles une littérature courtoise spécifique – le Minnesang portée entre autres par Gottfried von Straßburg et Reinmar de Haguenau. L'alémanique n'est pas en reste puisque des écrits religieux du VIIIe siècle nous sont parvenus de l'abbaye de Murbach, à savoir la prière de Wessobrunn et les hymnes de Murbach (de).

Avec la mise au point de l'imprimerie par Gutenberg au milieu du XVe siècle, Strasbourg et Bâle deviennent des centres primordiaux de l'édition en Europe. C'est au tour de l'alémanique de connaitre un développement littéraire grâce aux incunables de l'Humanisme rhénan dont le plus célèbre reste Daß Narrenschyff – la Nef aux fous – du strasbourgeois Sébastien Brant. Au même moment, le Saint-Empire voit l'émergence d'une langue véhiculaire – l'allemand standard aussi appelée Hochdeutsch – inspirée de la bible de Luther et de la Kanzleisprache (de) des chancelleries, qui va doter l'Europe germanophone d'une langue littéraire de référence. Seules les classes sociales ayant accès à l'éducation pourront l'apprendre. On assiste alors à une marginalisation des dialectes, accentuée au XIXe par l'idée d'État-nation qui chercha à parachever une langue nationale parlée de tous. Paradoxalement c'est aussi au XIXe siècle que l'alsacien s'affirme en tant que langue de production littéraire à part entière avec les œuvres de Georges-Daniel Arnold, Gustave Stoskopf qui fonde le Théâtre alsacien de Strasbourg, Adolphe Stœber ou Nathan Katz entre autres.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'État français mène une campagne de répression envers les dialectophones qui représentent alors 90 % de la population[6] de telle sorte qu'il est interdit de pratiquer l'alsacien à l'école et dans l'administration. De même, l'enseignement de l'allemand standard est interdit à l'école primaire et ne sera réintroduit qu'au milieu des années 1970 [9]. Pour autant l'alsacien reste vivace et les créations artistiques se poursuivent. En 1946, Germain Muller et Raymond Vogel fondent à Strasbourg le cabaret satirique du Barabli qui rencontre un immense succès. Sur la même lignée, l'artiste Roger Siffer ouvre le théâtre de la Choucrouterie en 1984 au Finkwiller. La chaîne France 3 Alsace et le canal radio France Bleu Elsass voient également le jour après-guerre et proposent dans les années 1990 des émissions populaires en alsacien comme Sür un Siess avec Simone Morgenthaler, les Aventures de Tintin doublées en alsacien ou bien Rund'Um.

Aujourd'hui France 3 Alsace et France Bleu Elsass continuent à produire des émissions en alsacien. La jeune génération essaie également d'investir les réseaux sociaux avec Kääsdi de Clément Dorffer ou Sùnndi’s Kàter de Philippe Gillig. Si le Barabli a disparu en 1992, le théâtre alsacien occupe toujours une place privilégiée dans le paysage linguistique, surtout à la campagne. La Fédération des théâtres alsaciens gère notamment huit théâtres dans les principales villes de la région dont le TAS.

En 2012, 43 % de la population de la région se déclarait dialectophone, soit 800 000 personnes selon l'Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle, ce qui en faisait la première langue régionale de France (à titre de comparaison, le breton comptait 200 000 locuteurs et le corse 90 000). Cependant la langue connait un rapide déclin passant de 90 % de la population qui se déclarait dialectophone en 1946, à 61 % en 2001, à moins de 40 % aujourd'hui. On constate également une grande disparité générationnelle puisqu'en 2012 74 % des plus de 60 ans se déclaraient dialectophones alors qu'ils n'étaient que 12 % chez les 18-29 ans. L'alsacien est nettement moins parlé dans les grandes agglomérations de Strasbourg, Mulhouse et Colmar d'où il a pratiquement disparu. À l'opposé il est le plus vivace au nord de l'agglomération strasbourgeoise notamment dans le Kochersberg, le pays de Hanau, aux alentours d'Haguenau, dans l'Outre-Forêt, en Alsace bossue et dans les Vosges du Nord.

L'association A.B.C.M. Zweisprachigkeit contribue à la transmission de l'alsacien grâce à un réseau de 10 écoles primaires dans la région qui proposent un enseignement français-alsacien-allemand. La région Grand Est et les départements du Bas- et du Haut-Rhin y participent également via l'Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle dont la mission est de pallier le cadre familial qui « n’est plus en mesure d’assurer la fonction de transmission de l’alsacien »[10] ainsi que de rendre visible la langue dans l'espace public, moderniser son image et soutenir la création en langue régionale. Longtemps il a été débat de savoir si l'allemand standard devait endosser le rôle de forme écrite de l'alsacien ou si ce dernier pouvait s'écrire avec une graphie propre. Depuis 2008, l'alsacien bénéficie d'un système de graphie harmonisée Orthal qui permet une écriture de la langue comprise de ses six composantes. Il est notamment utilisé par l'OLCAM dans sa mission de production de contenu et de visibilité de la langue régionale.

Enfin on note une étroite parenté entre le suisse allemand et l'alsacien, du moins pour sa composante alémanique, en tant que langues issues de la migration alamane du IVe siècle et du royaume qui en découla puis de l'aire d'influence du sud de l'Europe rhénane berceau de l'imprimerie et de la Réforme protestante. Les deux groupes de langues partagent d'ailleurs le même code de langue gsw . Dans le cas où il faudrait rapprocher l'alsacien actuel d'une langue nationale à des fins de vulgarisation, il serait beaucoup plus juste de dire que les Alsaciens parlent le suisse allemand que l'allemand standard.

Ailleurs dans le monde, l'alsacien est aussi pratiqué de manière marginale par une minorité à Castroville dans le Texas, ville fondée émigrés de la région de Mulhouse[11] ainsi que dans plusieurs communautés amish installées majoritairement en Indiana[12] et dans une moindre mesure dans la ville de Colonia Tovar au Vénézuéla. Parmi les défenseurs de l'alsacien à l'international on peut aussi mentionner Tomi Ungerer, Alfred Kastler, Arsène Wenger ou Raymond Waydelich.

  1. olcalsace.org
  2. [1], Insee Chiffres pour l’Alsace • revue no 12 • décembre 2002
  3. Code partagé avec le suisse allemand et l'alémanique.
  4. « Définition de la langue régionale », sur olcalsace.org.
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  6. a et b Office pour la Langue et les Cultures d’Alsace et de Moselle, « Le dialecte en chiffres », sur olcalsace.org, (consulté le ).
  7. Sabine Pfeiffer, « Le strasbourgeois, le dialecte le plus neutre et compréhensible d'Alsace. », (consulté le ).
  8. Beyer & Matzen, Atlas linguistique et éthnographique de l'Alsace, Paris, Éditions du CNRS,
  9. André Weckmann, Brève histoire linguistique de l'Alsace,
  10. Convention opérationnelle portant sur la politique régionale plurilingue dans le système éducatif en Alsace (période 2018-2022), (lire en ligne)
  11. L'alsacien à Castroville(article en anglais)
  12. https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/A-Strasburg-les-Amish-parlent-alsacien-2013-08-21-1000694