L'anarchisme Écouter, ou idéologie libertaire, regroupe plusieurs courants de philosophie politique développés depuis le XIXe siècle sur un ensemble de théories et de pratiques anti-autoritaires[2] fondées sur la démocratie directe et ayant la liberté individuelle comme valeur fondamentale. Le terme libertaire est couramment utilisé comme synonyme d'anarchiste, particulièrement dans le monde francophone[N 1] à la suite de l'adoption des lois scélérates en France[3],[4]. L'anarchisme, à la différence de l'anomie, ne prône pas l'absence de loi, mais milite pour que son élaboration émane directement du peuple (initiative populaire par exemple), qu'elle soit directement votée par lui (référendum ou vote par des assemblées tirées au sort) et que son application soit sous contrôle de ce dernier (mandat impératif, forces de sécurité dont les officiers sont élus[5], révocabilité des élus).
Fondé sur la négation du principe de domination d'un individu ou d'un groupe d'individus dans l'organisation sociale[6], l'anarchisme a pour but de développer une société sans classe sociale. Ce courant prône ainsi la coopération dans une dynamique d'autogestion[7]. Contre l'oppression, l'anarchisme propose une société fondée sur la solidarité comme solution aux antagonismes, la complémentarité de la liberté de chacun et celle de la collectivité, l'égalité des conditions de vie et l'autogestion des moyens de production (coopératives, mutuelles). Il s'agit donc d'un mode politique qui cherche non pas à résoudre les différences opposant les membres constituants de la société mais à associer des forces autonomes et contradictoires[8].
L'anarchisme est un mouvement pluriel qui embrasse l'ensemble des secteurs de la vie et de la société. Initialement théorisé par des penseurs socialistes, il est habituellement classé à la gauche voire l'extrême gauche du spectre politique bien qu'il refuse par essence de s'inscrire dans le cadre de la démocratie représentative. Concept philosophique, c’est également « une idée pratique et matérielle, un mode d’être de la vie et des relations entre les êtres qui naît tout autant de la pratique que de la philosophie ; ou pour être plus précis qui naît toujours de la pratique[9], la philosophie n’étant elle-même qu’une pratique, importante mais parmi d’autres »[10]. En 1928, Sébastien Faure, dans La Synthèse anarchiste, définit trois grands courants qui cohabitent tout au long de l'histoire du mouvement : l'anarchisme individualiste qui insiste sur l'autonomie individuelle contre toute autorité ; le communisme libertaire, qui de l'aphorisme « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » créé par Louis Blanc, veut économiquement partir du besoin des individus, pour ensuite produire le nécessaire pour y répondre ; l'anarcho-syndicalisme, qui propose une méthode, le syndicalisme, comme moyen de lutte et d'organisation de la société[11]. Depuis, de nouvelles sensibilités se sont affirmées, telles l'anarcha-féminisme, l'écologie sociale[12] (et son application, le municipalisme libertaire), l'anarcho-transhumanisme[13],[14].
En 2007, l'historien Gaetano Manfredonia propose une relecture de ces courants sur la base de trois modèles. Le premier, « insurrectionnel », englobe autant les mouvements organisés que les individualistes qui veulent détruire le système autoritaire avant de construire, qu’ils soient bakouniniens, stirnerien ou partisans de la propagande par le fait. Le second, « syndicaliste », vise à faire du syndicat et de la classe ouvrière, les principaux artisans tant du renversement de la société actuelle, que les créateurs de la société future. Son expression la plus aboutie est sans doute la Confédération nationale du travail pendant la révolution sociale espagnole de 1936. Le troisième est « éducationniste réalisateur » dans le sens où les anarchistes privilégient la préparation de tout changement radical par une éducation libertaire, une culture formatrice, des essais de vie communautaires, la pratique de l'autogestion et de l'égalité des sexes, etc. Ce modèle est proche du gradualisme d'Errico Malatesta et renoue avec l'« évolutionnisme » d'Élisée Reclus. Pour Vivien Garcia dans L'Anarchisme aujourd'hui (2007), l'anarchisme « ne peut être conçu comme un monument théorique achevé. La réflexion anarchiste n'a rien du système. […] L'anarchisme se constitue comme une nébuleuse de pensées qui peuvent se renvoyer de façon contingente les unes aux autres plutôt que comme une doctrine close »[15].
Selon l'historien américain Paul Avrich : « Les anarchistes ont exercé et continuent d'exercer une grande influence. Leur internationalisme rigoureux et leur antimilitarisme, leurs expériences d'autogestion ouvrière, leur lutte pour la libération de la femme et pour l'émancipation sexuelle, leurs écoles et universités libres, leur aspiration écologique à un équilibre entre la ville et la campagne, entre l'homme et la nature, tout cela est d'une actualité criante »[16]. L'anarchisme s'inscrit en outre dans l'histoire des mouvements sociaux et de l'art en mobilisant divers symboles.
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