Dysphorie de genre

La dysphorie de genre constitue à la fois une condition associée aux personnes transgenres et le nom d'un diagnostic médical. Le terme est proposé pour la première fois en 1973 en alternative à la rigidité des critères de diagnostic de la typologie du transsexualisme « classique » décrite par le sexologue Harry Benjamin. Dès son origine, la dysphorie de genre décrit le malaise persistant ressenti par les personnes transgenres vis-à-vis de leurs caractéristiques sexuelles et leur genre assigné alimentant un désir intense et durable de changer ces derniers[1].

En 1980, la troisième édition du très influent manuel diagnostic (DSM) de l'Association américaine de psychiatrie (APA) inclut deux diagnostics ayant pour base une incongruence de genre entre le sexe de naissance et l'identité de genre : le transsexualisme pour les adultes et trouble de l'identité de genre pour les enfants[2]. En 1994, la quatrième édition du DSM fusionne les diagnostics précédents en celui de troubles de l'identité de genre, qui s'applique alors tant aux adultes, adolescents qu'aux enfants[3].

Dans la cinquième édition du DSM en 2013, le terme de trouble est remplacé par la notion de dysphorie, qui devient une catégorie diagnostique à part déclinée en trois versions pour les enfants, adolescents et adultes[4]. Ce changement reflète l'évolution de la terminologie clinique ainsi que la volonté de l'APA de réduire le stigma associé à la condition. Cette dernière version met en outre l'accent sur la détresse significative provoquée par la dysphorie de genre et sur le fait que celle-ci ne constitue pas un trouble mental[5]. La dépathologisation de la condition se poursuit avec la publication en juin 2018 de la version 11 de la classification médicale de l'OMS, qui catégorise l'incongruence de genre parmi les affections liées à la santé sexuelle[6],[7].

La prévalence de la dysphorie de genre varie selon les définitions, les pays et le sexe de naissance[8]. En 2012, elle était évaluée entre 0,002 à 0,014 %[9] et entre 0,5215 à 0,2562 % en 2016[8]. Si dans le passé la majorité des personnes souffrant de dysphorie de genre étaient assignées hommes à la naissance, la tendance s'est graduellement inversée depuis vingt ans[10]. Aujourd'hui, les personnes assignées femme à la naissance constituent plus de la majorité des diagnostics de dysphorie de genre (ratio de 13:10)[11].

  1. (en) Norman Fisk, « Gender Dysphoria Syndrome (The How, What and Why of the Disease) », dans Donald R. Laub & Patrick Gandy, Proceedings of the Second Interdisciplinary Symposium on Gender Dysphoria Syndrome, Palo Alto, CA, Division of Reconstructive and Rehabilitation Surgery, Stanford University Medical Center, , 253 p. (lire en ligne), p. 7-14
  2. (en) Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-III), Washington, DC., American Psychiatric Association, , Third Edition éd., 494 p. (lire en ligne), « Gender Identity Disorders », p. 261-6
  3. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV), Washington, DC., American Psychiatric Association, , Fourth Edition éd., 886 p. (lire en ligne), « Gender Identity Disorders », p. 532-8
  4. (en) Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-V), Arlington, VA., American Psychiatric Association, , 947 p. (ISBN 978-0-89042-554-1 et 978-0-89042-555-8), « Gender Dysphoria », p. 451-9
  5. (en) Natalie J. Nokoff, « Table 2. [DSM-5 Criteria for Gender Dysphoria ()]. », sur www.ncbi.nlm.nih.gov, (consulté le )
  6. Organisation mondiale de la santé, « Incongruence de genre de l'adolescent ou de l'adulte », sur CIM-11 pour les statistiques de mortalité et de morbidité,
  7. Organisation mondiale de la santé, « Incongruence de genre de l'enfant », sur CIM-11 pour les statistiques de mortalité et de morbidité,
  8. a et b (en) Lindsay Collin, Sari L. Reisner, Vin Tangpricha et Michael Goodman, « Prevalence of Transgender Depends on the “Case” Definition: A Systematic Review », The Journal of Sexual Medicine, vol. 13, no 4,‎ , p. 613–26 (ISSN 1743-6109 et 1743-6095, PMID 27045261, PMCID PMC4823815, DOI 10.1016/j.jsxm.2016.02.001, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) « P 01 Gender Dysphoria in Adolescents or Adults », American Psychiatric Association (consulté le ).
  10. (en) Matthew C. Leinung et Jalaja Joseph, « Changing Demographics in Transgender Individuals Seeking Hormonal Therapy: Are Trans Women More Common Than Trans Men? », Transgender Health, vol. 5, no 4,‎ , p. 241–5 (ISSN 2688-4887 et 2380-193X, PMID 33644314, PMCID PMC7906237, DOI 10.1089/trgh.2019.0070, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Ching-Fang Sun, Hui Xie, Vemmy Metsutnan et John H Draeger, « The mean age of gender dysphoria diagnosis is decreasing », General Psychiatry, vol. 36, no 3,‎ , e100972 (ISSN 2517-729X, PMID 37396783, PMCID PMC10314610, DOI 10.1136/gpsych-2022-100972, lire en ligne, consulté le )