Martin Heidegger et le langage

Pieter Bruegel the Elder - The Tower of Babel (Vienna) - Google Art Project - edited

Martin Heidegger n'a cessé depuis son séjour à Marbourg jusqu'à sa dernière œuvre, Acheminement vers la parole[1], de questionner l'essence du langage, au-delà de sa fonction de communication. L'homme « parle », c'est la « dimension apophantique », déjà décrite par Aristote, mais le langage, ou plutôt le « parler » peut-il être pensé à partir de lui-même, détaché de la constitution ontologique de l'être humain, dans une relation directe à l'être, c'est-à-dire dans sa fonction qui est de révéler et de découvrir ? Plus généralement, comment comprendre le langage dans la dimension d'ouverture où l'« être humain » répond à ce qui est[2].

Cette dimension « découvrante » (au sens de lever le voile) du langage, que possédait la langue grecque, a été perdue sous l'influence de la doctrine chrétienne de la création, situant toute vérité dans l'intellect divin, pour n'avoir plus qu'une simple fonction de communication en perdant la dimension langagière originaire de la vérité[3]. Après avoir dénoncé la réduction du langage par la tradition à ce seul rang d'instrument de communication entre les hommes, Heidegger creuse dès Être et Temps (1927) le sens existential du « discours », qu'il nomme la Rede . Sur le chemin de l'essence originelle du langage, la voie que va suivre Heidegger, consiste à démontrer, son enracinement dans l'existence même de l'homme, qu'il ne surplombe pas d'en haut, et donc à cesser de le considérer à la manière de la linguistique et des sciences positives, comme un système autonome en lui-même, n'obéissant qu'à ses propres lois[4].

Dans son œuvre ultérieure il cherchera à connecter directement le langage et l'être lui-même au sein de la « parole poétique »[5]. Tout cet effort a été entrepris afin de comprendre les paroles de l'origine, celles des tout premiers penseurs de la Grèce archaïque, ces paroles dont il pense qu'elles nous parlent de l' « être » [6].