La philosophie d'Albert Camus, la philosophie de l'absurde ou l'absurde camusien désigne l'œuvre et la pensée philosophique de l'écrivain Albert Camus. Basée sur la théorie de l'absurde, cette philosophie est influencée par les idées politiques, libertaires, sociales et écologiques de l'auteur ; et s'inspire de courants philosophiques antérieurs, tels que la philosophie grecque, le nihilisme, la pensée nitzschéenne et l'existentialisme. Elle s'articule autour de trois cycles majeurs : « l'absurde », « la révolte » et « l'amour ». Chacun des cycles est lié à un mythe grec (Sisyphe, Prométhée, Némésis) et explore des thèmes et objets spécifiques ; le fil conducteur demeurant le désespoir de l'Homme, constamment animé par la recherche inlassable du sens du monde et de la vie.
« J’avais un plan précis quand j’ai commencé mon œuvre : je voulais d'abord exprimer la négation. Sous trois formes. Romanesque : ce fut L'Étranger. Dramatique : Caligula et Le Malentendu. Idéologique : Le Mythe de Sisyphe. Je n'aurais pu en parler si je ne l’avais vécu ; je n’ai aucune imagination. Mais c’était pour moi, si vous voulez bien, le doute méthodique de Descartes. Je savais que l’on ne peut vivre dans la négation et je l’annonçais dans la préface au Mythe de Sisyphe ; je prévoyais le positif sous les trois formes encore. Romanesque : La Peste. Dramatique : L'État de siège et Les Justes. Idéologique : L'Homme révolté. J'entrevoyais déjà une troisième couche autour du thème de l'amour. Ce sont les projets que j’ai en train »
— Albert Camus à Stockholm en 1957, cité par Roger Quilliot dans Essais, II, p. 1610[1],[S 1],[S 2].
Le cycle de l'absurde, ou la négation, aborde principalement le suicide et la condition humaine. Il est exprimé au travers de quatre œuvres de Camus : le roman L'Étranger et l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), puis les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu (1944). En refusant le refuge de la croyance, l’Homme prend conscience que son existence tourne autour d'actes répétitifs et privés de sens. La certitude de la mort ne fait que renforcer, selon l'écrivain, le sentiment d'inutilité de toute existence. L'absurde est donc le sentiment que ressent l'homme confronté à l'absence de sens face à l'Univers, le constat douloureux de sa séparation avec le monde. Se pose alors la question de la légitimité du suicide mais aussi du meurtre.
Le cycle de la révolte, dit le positif, est une réponse directe à l'absurde. Il est également exprimé par quatre de ses œuvres : le roman La Peste (1947), les pièces de théâtre L'État de siège (1948) et Les Justes (1949), puis l'essai L'Homme révolté (1951). Concept positif d'affirmation de l'individu, où seuls l'action et l'engagement comptent face au tragique du monde, la révolte est pour l'écrivain la manière de vivre l'absurde, connaître notre destin fatal et néanmoins l'affronter : « L'homme refuse le monde tel qu'il est, sans accepter de lui échapper ». C'est l'intelligence aux prises avec le « silence déraisonnable du monde ». Se priver d'une vie éternelle libère des contraintes imposées par un improbable futur, l’Homme y gagne en liberté d'action, en lucidité et en dignité.
La philosophie de l'absurde a donc pour finitude un humanisme singulier. Avançant un message de résilience, de lucidité et d'émancipation face à l'absurdité de la vie, elle incite à créer ses propres significations à travers des choix personnels et des engagements, et à embrasser tout le possible de sa liberté. Car Camus affirme que, même dans l'absurde, il y a de la place pour la passion et la rébellion ; et bien que l'Univers puisse être indifférent à notre quête de sens, cette recherche est en elle-même significative. Dans Le Mythe de Sisyphe, ce dernier, malgré son destin absurde, trouve une forme de libération dans son labeur incessant : « il faut imaginer Sisyphe heureux ». Avec le cycle de l'amour et la pensée de midi, la philosophie de l'absurde se complète par un principe de mesure et de plaisir, proche de l'épicurisme.
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