Autodidacte, penseur du socialisme libertaire[4] non étatique[5], partisan du mutuellisme et du fédéralisme[6]. S'il est le premier à se réclamer anarchiste[7],[8] en 1840, partisan de l'anarchie[9],[10], entendue en son sens positif, « La liberté est anarchie, parce qu'elle n'admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l'autorité de la loi, c'est-à-dire de la nécessité », dans une lettre adressée à Millet, il explique comment l'anarchisme l'a conduit au fédéralisme : "Pour ne vous citer qu'un exemple de cette méthode, je vous ferai remarquer en passant que si, en 1840, j'ai débuté par l'anarchie, conclusion de ma critique de l'idée gouvernementale, c'est que je devais finir par la fédération, base nécessaire du droit des gens européens et, plus tard, de l'organisation de tous les Etats."
En 1846, il donne, dans son Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, une explication de la société fondée sur l'existence de réalités contradictoires. Ainsi, la propriété manifeste l'inégalité mais est l'objet même de la liberté[16]. Le machinisme accroît la productivité mais détruit l'artisanat et soumet le salarié. La liberté elle-même est à la fois indispensable mais cause de l'inégalité.
En 1848, dans Solution du problème social, il élabore la théorie du crédit à taux zéro qui anticipe le fonctionnement des mutuelles d'aujourd'hui. Il imagine la création d'une banque d'échange ou « banque du peuple »[17], dont le but est l'abolition de la monnaie, du salariat, la suppression de toute prise d'intérêt et de toute réalisation de profit dans le cadre des structures d'échange entre les individus[18].
Anticlérical, il publie en 1858 l’ouvrage De la justice dans la Révolution et dans l'Église, véritable somme contre l'Église dans lequel il prône l'abolition de toutes les formes de pensée et d'organisation ecclésiales au profit des formes égalitaires, anti-hiérarchiques[18],[19].
Dans Les Démocrates assermentés et les réfractaires, il pose les bases du refus de toute participation aux élections lorsqu'elles sont truquées, dévoyées par le pouvoir bonapartiste, détournées par le système capitaliste, manipulées par ceux qui font et défont les cartes électorales. Il ne condamne pas la démocratie ou le suffrage universel en eux-mêmes mais leur manipulation au profit des intérêts capitaliste et étatique.
↑Pierre-Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, Librairie internationale, quatrième édition, vol. I, 1872, page 357.
↑Alain Pessin, Littérature et anarchie, Presses Universitaires du Mirail, 1998, page 90.
↑Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété? : ou Recherche sur le principe du droit et du gouvernement, Paris, Le livre de poche, , p. 443.
↑Maurice Barbier, Le mal politique : Les critiques du pouvoir et de l'État, Paris, L'Harmattan, (lire en ligne), p. 113.
↑Michel Le Séac'h, La petite phrase : d'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?, Paris, Eyrolles, (lire en ligne), p. 46.
↑Parfois attribuée à tort à Brissot de Warville, Recherches philosophiques sur le droit de propriété considéré dans la nature, Paris, (lire en ligne), p. 39-40, par exemple : « […] Ainsi ce système de l'égalité des fortunes, que certains philosophes ont voulu établir, est faux dans la nature. Cependant on peut dire qu'il est vrai sous d'autres rapports. Il est, par exemple, parmi nous des financiers enrichis par le pillage de l'État qui possèdent des fortunes immenses. Il est aussi des citoyens qui n'ont pas un sou en propriété. Ces derniers ont pourtant des besoins & les autres n'en ont surement pas proportionnellement à leurs richesses. Double abus conséquemment. La mesure de nos besoins doit être celle de notre fortune & si quarante écus sont suffisants pour conserver notre existence, posséder 200 mille écus, est un vol évident une injustice révoltante. » Cette antériorité proposée par Karl Marx après sa rupture avec Proudhon en 1847 (Lettre à J.-B. Schweitzer, 24 janvier 1865 : « il ne pouvait aller au-delà de la réponse donnée par Brissot, dès avant 1789, dans un écrit du même genre, dans les mêmes termes : La propriété c'est le vol »), est toutefois contestée sur la forme (on ne trouve pas cette formule exacte dans Brissot) et même sur le fond (Brissot considérait la propriété nécessaire à l'ordre, au commerce et à la croissance) par Robert L. Hoffman, Revolutionary Justice : The Social and Political Theory of P. J. Proudhon, Urbana, University of Illinois Press, 1972, p. 46-48. On peut ajouter à ce contexte les égalitariens qui ont aussi condamné la propriété, comme Mably, Morelly, Meslier, Babeuf et Godwin.
↑Peu après les journées de juin 1848, Alfred Sudre publia un pamphlet antisocialiste qui connût un très grand succès. Il y affirmait que le girondin Brissot avait déjà écrit la fameuse phrase « La propriété c’est le vol ! » dans Recherches sur le droit de propriété et sur le vol, Berlin 1782, ce qui était faux [1]. Non seulement la formule lapidaire de Proudhon n’a pas été écrite par Brissot mais les idées défendues sont de natures très différentes. Brissot considérait la propriété nécessaire à l'ordre, au commerce et à la croissance. Cf. Robert L. Hoffman, Revolutionary Justice : The Social and Political Theory of P. J. Proudhon, Urbana, University of Illinois Press, 1972, p. 46-48 [archive].
Cette allégation sera souvent reprise, entre autres, par Daniel Stern (Histoire de la Révolution de 1848 [2], ou Marx dans sa lettre au Social-Democrat du 24 janvier 1865, cinq jours après la mort de Proudhon [3]. Proudhon tenait beaucoup à la paternité de l’expression [4] ; [5]. Mais il ne réussira jamais à se procurer les ouvrages de Brissot pour affirmer qu’il s’agissait d’une calomnie [6].
Aujourd’hui encore, alors que le texte de Brissot est en ligne, [7], elle est largement véhiculée, par exemple dans le Larousse[8] ou sur le Maitron [maitron.fr/spip.php?article36613].
↑Archie Brown, The Rise and Fall of communism, Vintage Books, 2009, p. 16
↑« La propriété moderne peut être considérée comme le triomphe de la Liberté. […] Irrévérencieuse à l’égard du prince, rebelle à l’autorité, anarchique enfin, c’est la seule force qui puisse servir de contrepoids à l’État. », Jeanne Burgart Goutal, « Liberté, partout et toujours », Philosophie Magazine, no 28, 26 mars 2009, extraits en ligne.
↑Henri de Lubac, Proudhon et le christianisme, Paris, 1945, Éditions du Cerf, 2011 (réédition).
↑Robert Damien, « Le patrimoine peut-il être industriel ? La proposition proudhonienne », dans La mémoire de l’industrie, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, , 31-47 p. (ISBN978-2-84867-140-6, DOI10.4000/books.pufc.28019, lire en ligne)