Roman d'aventures

Le Tour du monde en 80 jours - Jules Verne - éd. Hetzel, 1873.

Le roman d’aventures est un type de roman populaire qui met particulièrement l'accent sur l'action en multipliant les péripéties plutôt violentes, dans lequel le héros est plutôt jeune, en général positif, et où le souci de la forme littéraire est relativement peu important.

Centré sur l'intérêt dramatique, le suspense, parfois au détriment de la vraisemblance, le roman d'aventure inclut des personnages nombreux mais simplifiés et des références fonctionnelles à une réalité aussi bien historique que géographique souvent exotique, ce qui le distingue aussi bien du roman d'analyse psychologique que du roman d'analyse sociale ou sociologique qui visent une plus grande complexité. Il est également sous-tendu par une morale plutôt schématique qui divisent les hommes en bons et méchants, le héros (généralement vainqueur) défendant le camp du bien, d'où la place qu'on lui a fait dans la littérature pour la jeunesse.

Le roman d'aventure qui appartient au domaine de la littérature populaire a connu son âge d'or en Europe entre 1850 et 1950, en France et en Angleterre en particulier, au moment de l'établissement d'empires coloniaux, et aux États-Unis dans le contexte de la conquête de l'ouest : il est marqué en effet par l'exploration du monde dit « sauvage », sa domination par l'Occident et sa transformation par la technologie moderne. De célèbres auteurs de romans d'aventure ont marqué l'histoire du genre comme Walter Scott, Alexandre Dumas père, Eugène Sue, Fenimore Cooper, Robert Louis Stevenson, Jules Verne, Rudyard Kipling ou Joseph Conrad, avant que ce type de roman ne soit concurrencé fortement par le cinéma populaire, puis à partir de 1950 par les bandes dessinées et aujourd'hui par les séries télévisées et les jeux vidéo. Le feuilleton télévisé français La Dame de Monsoreau en sept épisodes, tourné en 1971 d'après l'œuvre d'Alexandre Dumas écrite en 1846 est explicitement présenté dans sa première partie comme « un roman d'aventure », comprenant au XVIe siècle dix personnages très typés : un roi (Henri III de Valois), un fou (le narrateur, Chicot), un frère, (François de Valois, duc d'Anjou), des favoris (Maugiron, Quélus, Schomberg, d'Epernon, les "mignons" du roi), un-ex-favori (Saint-Luc, jeune marié), un grand veneur tout en noir (le comte Brian de Monsoreau), un cavalier tout en blanc (Louis de Clermont, comte de Bussy d'Amboise, favori du duc d'Anjou, ennemi juré des mignons mais bientôt ami de Saint-Luc). Louis de Bussy, le grand héros de l'histoire, enchaîne en disant qu'il manque « une jolie femme ». Ce sera sa future amante, la belle et blonde Diane de Méridor, mariée de force au fourbe comte de Monsoreau et également convoitée par le duc d'Anjou qui tenta de la déshonorer.

Au XXe siècle, les sous-genres du roman d'aventure comme le roman policier ou le roman d'anticipation étant devenus des genres autonomes, le roman d'aventure a perdu son sens général et se définit maintenant de manière restrictive comme un roman d'action non typée avec des personnages fonctionnels à la psychologie plutôt sommaire et un arrière-plan simplifié.

Cependant le classement des œuvres en "romans d'aventure" reste délicat et discuté.

Alexandre Dumas père en 1855.

La définition du roman d'aventure fait d'autant plus question qu'elle a évolué avec le temps. On hésite même dans son intitulé entre « roman d'aventure » au singulier et « roman d'aventures » au pluriel, et Albert Thibaudet, quant à lui, intitule son article de la NRF en 1919 Le roman de l’aventure...

On rencontre l'expression « roman d'aventure » à la fin du XIIIe siècle dans un fabliau intitulé « Des deux bordeors ribauz »[1]. Si l'auteur anonyme parle indifféremment de chanson de geste (vers 64) et de « romans »[N 1] (vers 74) à propos d'œuvres épiques contant les exploits des chevaliers qu'il s'amuse à mélanger (Guillaume au court nez, Ogier de Danemark, Renaud de Montauban), il établit une distinction particulière pour le cycle de la Table Ronde pour lequel il parle de « romans d'aventure » : Ge sai des romanz d'aventure,// De cels de la réonde Table,// Qui sont à oïr delitable (vers 82-84). C'est sur la connotation merveilleuse liée à la notion de chevalerie[2], que repose cette distinction, avec des figures comme celle de Merlin l'enchanteur et de la Dame Blanche, ou des éléments mystiques comme le Graal : c'est le monde imaginaire, inspiré par la mythologie celtique, à la fois épique et féerique[3], des « Temps Aventureux » contés par Chrétien de Troyes dont les héros Gauvain, Perceval ou Lancelot entrent dans la « forêt aventureuse », qui correspond au genre anglais du chivalric romance[réf. souhaitée].

Cette connotation merveilleuse s'est effacée peu à peu, en même temps que la prose remplaçait le vers[4] et que le roman a été assimilé au XVIIe siècle à la fiction en général comme le fait Pierre-Daniel Huet en 1670 dans son Traité de l'origine des romans, les sous catégories n'apparaissant que peu à peu et a posteriori chez les historiens de la littérature (roman héroïque, roman picaresque...). Pendant longtemps tout roman est roman d'aventures, et c'est à ce caractère exceptionnel et imprévu d'une histoire, d'une aventure, que fait référence Napoléon quand il s'écrie : « Quel roman que ma vie ! ».

Au début du XIXe siècle la définition s'affine et le roman d'aventure va être distingué du « roman d'analyse » ou « roman psychologique » (et son avatar le roman sentimental populaire qui joue sur le ressort de l'émotion [5]), centré sur l'approfondissement des personnages, comme Madame Bovary de Flaubert, et du roman « sociologique » ou « sociétal » centré sur l'observation de la société, comme Germinal de Zola). Le roman d'aventure se caractérisera par la place centrale faite à des événements multiples, inventés et sortant de l'ordinaire, par un récit dynamique au service de l'action, délaissant la complexité psychologique et le réalisme du contexte. Cette orientation vers le divertissement placera le roman d'aventure dans la littérature populaire, certains critiques contestant même le mot « littérature », encore au XXe siècle, comme François Mauriac pour qui « le roman d'aventures n'est qu'un enchevêtrement factice de circonstances »[6].

L'importance de la production crée peu à peu à la fin du XIXe siècle des sous-genres, parfois poreux, qui deviendront des genres à part entière, avec des spécificités propres comme :

À la fin du XIXe siècle apparaissent aussi le roman policier[7] dont la base est la résolution d'une énigme criminelle avec des personnages emblématiques (Sherlock Holmes chez Conan Doyle, Arsène Lupin chez Maurice Leblanc, Hercule Poirot chez Agatha Christie…) et, à partir du milieu des années 1930, le roman noir venu d'Amérique qui associe crime et description d'un monde d'antihéros, type Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain, en même temps que se développe le roman d'espionnage qui met en scène un affrontement politique à travers des agents secrets (Ian Fleming, John le Carré). On peut ajouter une catégorie elle aussi imprécise et recoupant les précédentes, celle des romans pour la jeunesse marqués par la simplification et le souci de l'enseignement moral et de l'identification à des personnages miroirs pour les enfants ou les adolescents, souvent héros de séries comme le Prince Éric de Serge Dalens ou Le Club des Cinq et Le Clan des Sept d’Enid Blyton.

  1. « Des deux bordeors ribauz », sur Shanaweb.net
  2. a et b Robert Favre 1998, p. 23
  3. Robert Favre 1998, p. 26
  4. Robert Favre 1998, p. 38
  5. « Le roman sentimental », sur CG49
  6. Le Roman, 1928
  7. « Le roman policier », sur CG49


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