Save Our Children (en français : « Protégeons nos enfants ») puis Protect America’s Children (« Protégez les enfants d'Amérique ») était une organisation politique homophobe présidée par la chanteuse Anita Bryant et créée en 1977, à Miami, en Floride, aux États-Unis. Son but est alors d'obtenir l'abolition de l'ordonnance 77-4 du comté de Dade interdisant la discrimination à l'embauche, au logement et à l'accès aux services publics des homosexuels.
Le , Ruth Shack, une conseillère du comté de Dade, présente un projet de loi visant à interdire les discriminations sur la base de l'orientation sexuelle dans la région de Miami. La proposition est adoptée le 18 janvier suivant, ce qui soulève l'indignation des communautés religieuses locales, et notamment de la Convention baptiste du Sud. Poussés par leur pasteur, la chanteuse Anita Bryant et son époux l'ancien disc-jockey Bob Green décident de renverser l'ordonnance en organisant un référendum local. Avec une trentaine d'autres personnes, ils fondent Save Our Children, une coalition conservatrice qui leur sert à médiatiser leur combat. Ils organisent ensuite une campagne de signatures destinée à rendre possible la consultation populaire, collectent des dons pour financer leur campagne et font paraître différentes publicités dans les médias locaux pour convaincre l'opinion publique du comté. Ils n'hésitent alors pas à tenir des propos homophobes et à associer publiquement homosexualité et pédophilie pour convaincre leur auditoire.
Face aux attaques de Save Our Children, et malgré le soutien d'homosexuels d'autres États, la communauté LGBT de Miami peine à organiser la contre-attaque. Victime de ses divisions et encore fortement « dans le placard », elle ne parvient pas à parler d'une seule voix. Dans ces conditions, Anita Bryant et ses partisans obtiennent une large victoire au référendum local organisé le . Inspirés par ce résultat, des conservateurs d'autres régions des États-Unis s'organisent pour renverser des lois locales similaires à l'ordonnance 77-4. Soutenus par Save Our Children et par Anita Bryant, plusieurs de ces mouvements arrivent à leurs fins et font tomber les lois anti-discrimination de Saint-Paul (Minnesota), d'Eugene (Oregon) et de Wichita (Kansas). D'autres échouent par contre dans leurs tentatives à Seattle (Washington) et en Californie.
Le mouvement déclenché par Save Our Children a d'importantes conséquences sur la société américaine. Côté conservateur, il contribue à mobiliser les chrétiens, qui s'étaient largement éloignés de la vie politique après le « Procès du singe ». Il favorise par ailleurs la création de la Moral Majority par le pasteur Jerry Falwell, lui-même soutien d'Anita Bryant. Côté homosexuel, il cause un véritable choc, suivi de plusieurs cas de suicide et d'agressions homophobes. Il aboutit cependant aussi à la mobilisation des gays et des lesbiennes, qui luttent pour la première fois main dans la main. Grâce aux différentes campagnes, la communauté LGBT apprend par ailleurs à s'organiser, en attendant le drame des années SIDA.
Malgré un réel succès initial auprès du public chrétien, Anita Bryant finit quant à elle par être victime de son implication dans la campagne homophobe. Subissant le boycott de la communauté LGBT, elle perd progressivement l'ensemble de ses contrats publicitaires, notamment avec le syndicat des agrumes de Floride, qu'elle représentait depuis 1969. Surtout, elle doit faire face au refus des maisons de disque de la produire. En proie à des difficultés psychologiques, elle divorce en 1979, ce qui lui vaut la critique des milieux chrétiens fondamentalistes. Malgré plusieurs tentatives de comeback dans les années 1990, elle ne parvient jamais à relancer sa carrière artistique.